La figure de Thomas dans l’évangile d’hier nous a fait voir l’importance de la rencontre personnelle avec Jésus. Mais elle reste posée, la question du « comment » de cette rencontre. La figure de Nicodème dans l’évangile d’aujourd’hui (Jn 3,1-8) nous permet d’ébaucher quelques éléments de réponse. Le texte sacré nous présente Nicodème comme un pharisien qui est allé visiter Jésus de nuit. Pourquoi est-il allé le voir de nuit ? Certainement par peur des juifs.

Cette hypothèse est corroborée par la présence de Nicodème à l’ensevelissement de Jésus. Le récit que présente l’évangile de Saint Jean, fait intervenir Joseph d’Arimathie, identifié comme quelqu’un qui est devenu « disciple de Jésus, mais en secret par peur des Juifs » (Jn 19,38). C’est ce Joseph d’Arimathie qui a demandé à Pilate le corps de Jésus, afin d’accomplir sur lui les rites requis pour son ensevelissement.

Lesdits rites, précise le texte, ont été rendus possibles, en partie, grâce à Nicodème qui a fourni pour la circonstance « un mélange de myrrhe et d’aloès, d’environ cent livres » (Jn 19,39). Les deux profils : Joseph d’Arimathie et Nicodème s’assemblent pour rendre les derniers hommages à Jésus. Ils ne peuvent que se ressembler, selon l’adage : « qui s’assemblent se ressemblent ». Par conséquent Nicodème est allé voir Jésus de nuit, certainement par peur des juifs.

D’ailleurs le parcours qu’il a fait et dont témoigne l’évangile de Saint Jean, suggère que c’est progressivement qu’il est devenu disciple de Jésus. Nous savons déjà qu’il s’est rendu chez Jésus, de nuit, pour échanger avec lui.

Plus tard, à propos de l’opportunité ou non de l’arrestation de Jésus, Nicodème posera aux grands prêtres et aux pharisiens, cette question rhétorique : « notre Loi juge-t-elle un homme sans d’abord l’entendre et savoir ce qu’il fait ? » (Jn 7,51).

A travers cette interrogation, Nicodème lève discrètement et subtilement le voile sur la sympathie qui naissait en lui à l’égard de Jésus. Mais pour l’instant, fallait être prudent pour ne pas attirer sur soi la colère de ses congénères juifs qui restaient fermés au message de Jésus.

Toutefois, par sa présence à l’ensevelissement de Jésus, Nicodème exprime, de façon publique, son adhésion à Jésus et à sa doctrine. Si sa première visite a eu lieu de nuit par peur des juifs, c’est au vu at au su de tous qu’il apporte des aromates pour embaumer le corps de Jésus.

Pour en arriver là, Nicodème a fait un cheminement où il a certainement pris le temps d’écouter Jésus, d’analyser son discours, et peut-être même de mettre en pratique quelques préceptes que proposait Jésus à ses auditeurs. Certainement qu’après la première rencontre relatée en Jn 3, il y en a eu d’autres entre les deux hommes.

De nos jours pour effectuer cette rencontre personnelle avec Jésus, il nous faut simplement imiter Nicodème. Certes la possibilité n’est plus à notre portée, d’aller visiter Jésus comme le fit Nicodème. Mais puisqu’il est toujours présent parmi nous, à travers sa Parole et le mystère de son corps et son sang, l’opportunité nous est toujours offerte d’imiter Nicodème.

Nous pouvons le faire en cultivant notre intimité avec Jésus présent dans le Saint Sacrement. Nous pouvons également le rencontrer à travers l’écoute assidue et la méditation journalière de sa Parole. Et au-delà de l’écoute et de la méditation, la mise en pratique de sa Parole nous permet de mieux le connaître.

Si par exemple, je m’efforce de vivre l’amour des ennemis, si je me départis de la vengeance, j’aurai l’occasion de constater l’impact profond et indéniable que ce choix produit sur mon entourage, sur ma famille, sur la société et le bien que j’en tire pour ma vie intérieure.

Je pourrai ainsi découvrir plus profondément le profil de celui qui nous a donné ce commandement : « aimez vos ennemis, et priez pour vos persécuteurs, afin de devenir fils de votre Père qui est aux cieux » (Mt 5,44-45).

Il faut reconnaître une chose : le Seigneur nous offre toujours la grâce d’opérer cette rencontre personnelle avec lui. Il reste que nous y joignions la bonne volonté et le courage. C’est seulement à ce prix que la rencontre devient effective.

 Dès lors nous pourrons clamer à quiconque : « Jésus est vraiment le Messie, je l’ai rencontré ». Et comme l’apôtre des Nations, nous pourrons dire avec conviction : « ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi » (Gal 2,20). Bon après-midi.

Père Raymond SOBAKIN, recteur.