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La Revue la Voix de St-Gall n°125 : Les jeunes et la question du bonheur (Tome 1)

« Heureux es-tu ! A toi le bonheur ! »[1]

Si cet extrait du Cantique des montées rejoint un désir secret des hommes de tous les âges, il trouve un écho singulier dans le cœur des jeunes de notre temps. En effet, l’étape de la jeunesse constitue un moment-clé dans la quête des points de repères destinés à orienter vers ce que la vie offre de grand, de beau, de meilleur. Une telle étape de l’existence est déterminante puisqu’elle rime, à un titre particulier, avec une recherche de construction et d’accomplissement de soi, un besoin légitime de mieux-être, bref, une tension résolue vers le bonheur. Malheureusement, l’horizon semble de plus en plus s’obscurcir pour les jeunes dans leur désir de bonheur. En même temps que l’unanimité n’a jamais été faite sur le contenu du bonheur en question, il paraît parfois, pour eux, comme une illusion, un pur produit de l’imagination. De plus, la question du chômage qui se pose dans nos sociétés africaines avec une acuité inédite alimente dans l’esprit des jeunes l’angoisse grandissante du lendemain, suscitant désarroi, incertitude, désespoir. Pourtant, un regard lucide sur ces sociétés permet de voir à l’œuvre une jeunesse qui exprime de bien des façons son souci de bien-être, son inclination vers ce qu’il y a de mieux pour elle, tout en étant constamment affrontée à des risques multiformes d’égarement et de fourvoiement.

Sensible aux inquiétudes qu’expriment les jeunes face à leur soif inaltérée de bienêtre, La Voix de St -Gall se propose, pour ses parutions de cette année académique 2022- 2023, de se pencher sur la thématique « Les jeunes et la quête du bonheur : enjeux et défis ». La vocation que voudrait assurer la première étape de notre investigation est de proposer une description phénoménologique et sociologique de la jeunesse béninoise, description orientée surtout vers l’angle des moyens multiformes qu’emploient les jeunes pour parvenir à leur idéal de bonheur. L’intitulé de ce premier tome l’indique si bien : « Regard panoramique sur la jeunesse béninoise ». La démarche que nous suivrons mettra en évidence les atouts de même que les embûches qui jalonnent le boulevard que se tracent les jeunes pour atteindre le bonheur désiré. Apparaîtront alors avec clarté les enjeux et les défis qui entrent en ligne de compte dans une analyse qui porte sur l’aspiration des jeunes au bonheur.

Afin de circonscrire le terrain sur lequel s’établira la description escomptée dans le présent tome, le Père Alex Wilfried KOUKPODE s’ingénie à des clarifications qui aident à saisir la légitimité d’une réflexion sur la quête du bonheur par les jeunes aujourd’hui. Le Père Armel HOUNKONNOU, pour sa part, rend compte des figures de réussite sociale qui semblent de plus en plus significatives dans l’imaginaire des jeunes, modelant même leur conception du bonheur. Et comme il arrive que les jeunes soient éblouis par ce qui leur est proposé pour vite s’enrichir, certains parmi eux peuvent facilement se laisser appâter par des idéologies qui déforment la vérité sur le sens du bonheur. C’est pourquoi, Narcisse N’OUEMOU montre que nombre de sectes et de cercles ésotériques qui proposent monts et merveilles, terre et ciel aux avides assoiffés du matériel, au moyen de vernis trompeurs, entraînent, dans un système de succès ambigu et superficiel, de plaisirs sans lendemain. L’équilibre dont il a fait montre dans l’article qu’il a signé prémunit néanmoins contre tout pessimisme.

Au cœur de l’environnement dans lequel se situe la dynamique descriptive ainsi mise en route, on se rendra vite compte que les jeunes sont en première ligne dans la plupart des programmes de gouvernance et des projets politiques. Rendus vulnérables par les contingences sociales auxquelles ils sont soumis, leur recherche de mieux-être se trouve parfois exploiter de façon aliénante. Carlos ALLOSSOU et Ricardo TETEDE nous conduisent à une lecture croisée des rapports entre les jeunes et les politiciens, étant entendus les jeux d’intérêts qui se déploient de part et d’autre. Les retombées de leur analyse disposeront les esprits à entrer plus aisément dans l’approche phénoménologique de deux problèmes sociaux dont les principaux protagonistes sont des jeunes hantés par une quête obstinée et maladroite du bonheur : l’addiction aux jeux de pari et aux stupéfiants d’un part et la cybercriminalité d’autre part.

Les jeux de pari entraînent souvent dans un système de dépendance, au même titre que les stupéfiants, les jeunes qui espèrent y trouver la clé du bonheur. Avec sa belle plume, Euphrem TODOSSOUDE tourne nos regards vers quelques addictions qui entravent la marche de la jeunesse vers le bonheur. Quant au phénomène de la cybercriminalité, il est représentatif des compromissions auxquelles certains jeunes peuvent souscrire lorsqu’ils ne sont mus que par la recherche d’un simple bien-être, la consommation cupide de biens matériels. Olivier Max Moreno ZOUMENOU, grâce à son expertise dans l’univers digital, nous amène dans les arcanes de la cybercriminalité. Et puisque l’influence des moyens de communication et de la publicité, de la culture numérique sur les jeunes et les enfants est de plus en plus prégnante, Davy HOUNKANRIN et Ezéchiel AZON identifient les forces et les faiblesses de la jeunesse dans un monde hyperconnecté.

Par ailleurs, si la jeunesse dispose encore de plusieurs atouts pour s’accomplir sans compromissions, c’est qu’il n’y a pas péril en la demeure. Un regard plus fin encore sur nos sociétés permet de remarquer des jeunes qui ne se résignent pas face à la complexité de leur situation mais mettent à contribution leurs aptitudes et leur créativité pour s’assurer un mieux-être durable. En témoigne la contribution de Joanes KITI et Antonio AHOUANDJI qui nous présentent le portrait d’une jeunesse béninoise qui fait rêver, qui autorise l’espérance.

Pour achever notre périple, nous avons interrogé des jeunes de diverses situations qui ont partagé avec nous leur conception du bonheur et l’appréciation qu’ils portent eux-mêmes sur la jeunesse. Les résultats de cette enquête permettent d’établir que malgré ses désirs frustrés, les discriminations et injustices subies, la jeunesse béninoise est capable d’une introspection à même de défier ceux qui pensent qu’elle est vouée à la fatalité d’un avenir sombre. Non, la jeunesse n’est pas synonyme de déchéance morale, de perversion débridée et d’autres choses du même genre. Il nous faut donc renoncer à nos a priori négatifs sur les jeunes, jeter sur eux un regard bienveillant et les aider à comprendre que « la joie véritable est une conquête qui ne s’obtient pas sans une lutte longue et difficile »[2]. Jeunesse d’ici et d’ailleurs, heureuse es-tu, à toi le bonheur !

Espédit ALLOSSOU

Directeur de La Voix de St -Gall



[1] Ps 127, 2.

[2] JEAN-PAUL II, Discours aux jeunes, XVIIème Journée mondiale de la jeunesse, Toronto-Exhibition Place, 25 juillet 2002, Libreria Editrice Vaticana.

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