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La revue “La voix de St-Gall n°121

                      « Ne nous laissons pas voler notre joie ! »[1]

Ce cri de cœur du Pape François, lancé à l’endroit de toute l’Eglise tout au début de son pontificat, semble concerner particulièrement les hommes de notre temps. En effet, la peur et la terreur suscitées par la pandémie de la Covid-19, sans bruit, ont fini par s’ébruiter par toute la terre. Covid-19 ! Ce mal du siècle qui distille psychose et angoisse par les nombreuses victimes qu’il a déjà faites et qu’il continue de faire ! Psychose qui trouble la quiétude, angoisse qui bouleverse les habitudes ! Et pourtant, rien ni personne, même pas la mort ne devrait nous ravir notre joie[2]. Mais comment, continuer de vivre joyeux et épanoui quand l’on est engagé dans une lutte permanente contre un ennemi invisible qui, chaque jour, change de visage et de tactique pour faire plus de dégâts et de victimes ? Les flots de joie qui bouillonnent et qui montent dans le cœur des hommes à divers moments de la vie ne se tairont-ils pas pour finir par disparaître progressivement telle l’écume à la surface de l’eau, si cette lutte dure encore plus ? Que faudra-t-il faire alors pour que l’enthousiasme de la joie palpite toujours dans les cœurs ? Ces différentes questions résument l’essentiel de la préoccupation des séminaristes du Grand Séminaire Saint-Gall de Ouidah en cette période de pandémie, préoccupation à laquelle ils voudraient donner une réponse dans ce second tome de leur revue La Voix de St-Gall, qui célèbre cette année, le septantenaire de sa création. Pour l’essentiel, cette parution vise à offrir aux hommes d’aujourd’hui des repères pour toujours « s’épanouir en dépit de la crise » à travers une ligne de 

réponse théologique, socio-anthropologique et liturgico-parénétique.

Au plan théologique, nous avons scruté les textes d’abord de l’Ancien Testament, et ensuite du Nouveau Testament pour recadrer le discours sur la question du mal. Ainsi, dans la perspective vétérotestamentaire c’est le Père Moïse ADEKAMBI, Prêtre exégète du diocèse de Porto-Novo, qui nous introduit dans la réflexion sur les écueils de la mentalité deutéronomiste à partir de la séquence de Jg 3, 1-11. L’approche néotestamentaire développée par Marie-Josée AHOTONDJI et Fiacre AGBETE trouve dans le mystère de la Croix du Christ, la réponse ultime à toute question du mal et de la souffrance. De fait, en contemplant le Christ mort et ressuscité, le croyant apprendra à vivre ses temps de crise non plus comme une fatalité mais plutôt comme un moyen d’accomplissement intégral de son être. 

Au plan socio-anthropologique, l’occurrence de la Covid-19 aurait servi de tremplin pour le retour du vieil adage latin « salus in fuga ». Or l’homme, un être social par nature, ne s’accomplit que dans la relation avec ses semblables. Toutefois, les différents impératifs de riposte contre le coronavirus semblent mettre à mal cette dimension de la nature humaine, allant jusqu’à porter atteinte à sa dignité inaliénable. C’est dans ce sens que les abbés Expédit ALLOSOU et Virgile LOGBETODE d’une part, puis Casimir GAHOUNGA et Judicaël NINGUIN d’autre part, nous instruisent sur la pertinence de quelques mesures-barrières respectivement à travers les articles « La distanciation sociale et le confinement : vivre loin de l’autre me garantit-il ma sécurité ? », et « La question du vaccin pose-t-elle des problèmes éthiques à la dignité de l’homme et des peuples ? ». A leur suite, le sociologue et enseignant-chercheur de l’Université d’Abomey-Calavi, le Docteur Charles Lambert BABADJIDE, après un travail d’enquête sur le terrain et une analyse scientifique et minutieuse des résultats, nous révèle le manque de pertinence de la mise en œuvre, en contexte africain, des mesures-barrières conçues selon les normes et habitudes occidentales

 

Mais ces mesures-barrières et toutes les autres solutions ne sauraient accomplir le salut plénier de l’homme si elles sont coupées de Dieu, car « la créature sans le Créateur s’évanouit ». Malheureusement, certaines mesures de riposte se sont dressées contre les religions au point de mettre en péril la foi et la religiosité de bien de personnes. Les églises et lieux de cultes ont été interdits d’accès en cette période pandémique. Cette précaution n’a tout de même pas empêché le peuple chrétien de continuer de vivre pleinement sa foi, d’où l’émergence d’interrogations légitimes sur le rôle de la communauté dans l’affermissement de la foi des fidèles. Et puisqu’on n’est jamais chrétien tout seul, le Père Rodrigue GBEDJINOU, directeur de l’Ecole d’Initiation Théologique et Pastorale (EITP) de l’archidiocèse de Cotonou, dans le développement du thème « Jeu et enjeu de la foi authentique » nous fait redécouvrir les imbrications entre la dimension personnelle et la dimension ecclésiale de la foi et de tout acte religieux. Cette réflexion systématique sur la double dimension de la foi a laissé place à une investigation pastorale sur la gestion de la crise dans quelques diocèses de notre pays le Bénin. A cet effet, les Pères Roger SEVOH, Fortuné BADOU, Ernest DEGUENOVO et François TIANDO, respectivement vicaire général chargé de la pastorale de l’archidiocèse de Cotonou, et vicaires généraux des diocèses de Dassa-Zoumé, de Parakou et de Natitingou, font remarquer que ces différentes mesures ont certes éprouvé la foi des fidèles, mais celle-ci en est revenue plus mure et plus mature. L’engagement pour la participation aux célébrations liturgiques n’a pas été atteint même si les habitudes liturgiques bouleversées, ont été repensées et ont fait l’objet de nombreuses innovations.  Ces diverses innovations liturgiques, laissées aux soins de chaque pasteur, ont par ailleurs manqué d’harmonie et d’uniformisation, ce qui n’a pas laissé indifférents les spécialistes de la liturgie.  C’est à ce titre qu’intervient le Père Maurice HOUNMENOU, formateur à l’EITP, sur le thème « La liturgie aux prises avec les mesures-barrières : réflexion pour une uniformisation des pratiques pastorales en contexte rituel ». Ces différentes mesures-barrières, parfois teintées de relativisme idéologique, augurent, au regard de tout ce qu’elles engendrent, l’entrée dans un nouveau monde, un nouvel âge. Partant, Roméo HOUINSOU et Alexis CODJO, avancent que dans ce nouveau monde du 21ème siècle, la Covid-19 apparaîtrait comme une nouvelle idéologie sanitaire, idéologie qui, tout en aliénant l’homme, orchestre aussi le meurtre de Dieu. Aussi engendrerait-elle sans nul doute la perte du sens du sacré et, par ricochet, du sens du péché, un autre ennemi invisible à l’instar de la Covid-19. Mais alors, de ces deux ennemis invisibles, contre lequel faudrait-il lutter plus ardemment ?  Pour entrer dans l’intelligibilité de cette problématique, le patriarche Etienne SOGLO, dans une interview qu’il a daignée accorder à l’équipe de rédaction de La Voix de St-Gall, donne réponse à toute une série de questions pour conclure la réponse multidimensionnelle que les séminaristes voudraient donner au peuple de Dieu sur la question du mal en général, et de la crise covidique en particulier. Puissent ces travaux servir d’instrument pour nous guider sur le bon chemin de la foi, dans les moments de crise que nous traversons dans la vie ordinaire, amen !

 

Mozart Sébastien HOUNKPEVI

 

Directeur adjoint de La Voix de St-Gall

 


 

[1]– François, Exhortation apostolique Evangelii Gaudium, n°83.

 

[2]– Cette phrase est inspirée de la deuxième invocation de la bénédiction solennelle de pâques.

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