
Bien chers frères et sœurs !
L’Evangile que nous venons d’écouter nous rappelle cette expression du XVII siècle : « Nul n’est prophète en son pays », qui, en réalité, a été prononcée en premier par le Christ lui-même : « Aucun prophète ne trouve un accueil favorable dans son pays ». Et Jésus l’a dit quand les habitants de Nazareth, son peuple, n’ont pas voulu croire en ce qu’Il venait d’affirmer dans la synagogue : que la prophétie d’Isaïe sur le Messie se réalisait en sa personne.
En un premier temps, les nazaréens ont été pris d’admiration pour Jésus : « Tous lui rendaient témoignage et s’étonnaient des paroles de grâce qui sortaient de sa bouche ». Ils avaient, en effet, appris ce que leur compatriote a réalisé dans la ville de Capharnaüm et voulaient, au fond d’eux-mêmes, qu’il réalisât les mêmes miracles dans son propre village. Mais comme le souligne Marie Noëlle Thabut : « Jésus leur a asséné une leçon qui est dure à entendre ; elle tient en deux points : premièrement, si j’ai pu faire des miracles à Capharnaüm, c’est parce que ses habitants avaient une autre attitude. La fin de l’histoire prouve bien que Jésus n’a vu que trop juste : la violence de la réaction de ses compatriotes laisse entendre qu’ils n’étaient pas prêts à accueillir les dons de Dieu comme des dons. Le deuxième point revient à dire : « le salut n’est pas réservé aux fils d’Israël. Dieu s’intéresse aussi aux païens et ceux-ci sont parfois plus près du salut que ceux qui se disent croyants » : c’est ce qui se dégage des deux histoires d’Elie et Elisée ». Par ces histoires, Jésus démontre avec succès que Dieu est libre de distribuer ses dons à qui il veut, comme il le veut, quand il le veut et où il le veut. Il démontre ainsi que la grâce divine n’est pas destinée seulement au peuple choisi mais à toutes les races et nations. Ces réponses de Jésus aux nazaréens les ont faits passer de l’admiration au doute et ensuite, à la violence. Certainement par orgueil et par jalousie, ils ont commencé à se demander : « N’est-ce pas là le fils de Joseph ? ». Et, par la suite, furieux, ils n’hésiteront pas à pousser Jésus hors de la ville et le conduire jusqu’à un escarpement de la colline pour le précipiter en bas.
Bien aimés du Seigneur !
Si nous voulons annoncer le Christ, nous devons être, comme lui, un signe de contradiction. Il nous faut ramer à contre-courant ; il nous faut nous disposer à accepter les critiques et même être prêts à souffrir la persécution. Avant nous, des prophètes de l’Ancien Testament ont subi la même réalité. Ils annonçaient le bien, mais étaient traités comme des malfaiteurs. C’est pourquoi Jésus dira : « Heureux êtes vous si on vous insulte et vous persécute et dit toutes sortes de mal faussement contre vous à cause de moi… » (Mt5, 11-12). Jérémie, dont nous avons écouté le récit de sa mission en première lecture, voulait fuir sa vocation. Dieu l’appelle et il se sent petit. Il pressent combien difficile sera sa charge et ne veut pas la remplir en donnant comme motif : « je ne suis qu’un jeune homme ». La réaction de Dieu ne se fit pas attendre. Il affirme que c’est lui-même qui envoie en mission et qui donne les moyens de cette mission : « Avant que tu viennes au jour, je t’ai consacré, c’est-à-dire, je t’ai mis à part ; je fais de toi un prophète pour les nations… Moi, je fais de toi aujourd’hui une ville fortifiée… Ils te combattront, mais ils ne pourront rien contre toi ». Que la mission soit difficile ou dure, il nous faut toujours croire en Dieu qui nous associe à cette mission. Nous apprenons de Jérémie, très chers chrétiens, que la foi en Dieu est la source de la fidélité à sa vocation. Et je dirai, en m’appuyant sur la deuxième lecture, que sans amour, rien n’a de sens. Sans amour, la foi n’attire pas car le témoignage de la foi, c’est l’amour.
Mon frère, ma sœur !
Dans la seconde lecture que nous avons écoutée, Saint Paul poursuit son enseignement sur le fonctionnement de l’Eglise et sur les charismes. Il essaie de limiter les excès que connaît la communauté chrétienne de Corinthe où de nombreux charismes fleurissent, comme les prophéties et le chant en langues, mais au détriment de la charité. « En son absence, cette communauté qu’il a fondée s’est éloignée de la morale chrétienne. Il les invite, avec douceur, à retrouver le sens de cette éthique », explique le père Sébastien Thomas, exégète du Nouveau Testament. Saint Paul utilise dans son récit l’éloge qui est un genre classique de l’époque pour mettre au premier plan l’amour. Il commence par souligner la nécessité de l’amour. Et ensuite, il décrit ce qu’il en est réellement pour montrer, en fin de compte, qu’il est supérieur à la foi et à l’espérance. Oui, s’il nous manque l’amour, nos charismes, nos dons, œuvres de bienfaisance ne servent à rien. Rien n’est au-dessus de l’amour. Et il s’agit de l’Amour qu’est Dieu lui-même. Dieu est la source de tout amour. Quand nous sommes en Dieu, nous pouvons l’aimer et aimer notre prochain comme Lui-même nous aime. C’est pourquoi pour Saint Paul, l’amour de Dieu et l’amour du prochain sont le même amour. D’ailleurs, Saint Jean dira que si je prétends aimer Dieu que je ne vois pas et je hais mon prochain, je suis un menteur (cf. 1Jn4, 20). Notre amour de Dieu est la mesure de notre amour pour le prochain, comme notre amour du prochain est le baromètre de notre amour pour Dieu. Et l’amour de Dieu se manifeste à travers l’amour que ceux qui s’ouvrent véritablement à Dieu porte pour nous. Et cette dimension de l’amour, Saint Paul l’a bien expérimenté, comme l’affirme le Père Sébastien, exégète : « Lui-même a reçu le don de l’amour de Dieu et sa miséricorde. Pour lui, l’amour divin s’est manifesté par un amour humain, celui d’Ananie qui a accepté de l’accueillir chez lui, alors qu’il avait persécuté les chrétiens et qu’il venait de vivre sa fulgurante conversion. Ce pardon s’est exprimé à travers l’amour d’un frère ».
Révérends Pères, révérendes sœurs, chers séminaristes, chrétiens mes frères et sœurs !
Si nous voulons véritablement aimer, il nous faut imiter Dieu car les qualités qui sont associées à l’amour dans la deuxième lecture décrivent Dieu. Nous pouvons, à juste titre, dire : « Dieu prend patience, il rend service, ne jalouse pas, ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil… ». Reprenons, pour notre gouverne, ce qui a été paraphrasé du merveilleux récit sur l’amour et que Mgr Nicodème Barrigah nous rend accessible par son livre : ‘’ A l’écoute de la parole’’ :
L’intelligence sans l’amour produit la perversion.
La justice sans l’amour rend intransigeant.
La douceur sans amour rend hypocrite.
Le succès sans amour rend arrogant.
La richesse sans l’amour rend avare.
L’obéissance sans l’amour rend esclave.
La beauté sans l’amour rend ridicule.
La vérité sans amour rend blessant.
L’autorité sans amour fait de l’homme un tyran.
La loi sans amour transforme en dictature.
La foi sans l’amour rend fanatique.
La croix sans l’amour est une torture.
Seul l’amour est digne de foi.
Seul l’amour nous comble de joie.
Seul l’amour nous trace la voie.
Oui, l’amour est le bon choix.
Seul l’amour transforme la croix.
Seul l’amour fait de nous des rois.
Seul l’amour nous donne du poids.
Oui, l’amour, c’est Dieu en toi.
O Dieu, parce que tu es Amour, tu illumines notre route.
Parce que Tu es Amour, tu donnes sens à la Vie, tu donnes du sens à nos vies.
Amen !
Père Edouard ACAPO