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Homélie du Dimanche 06 Mars 2022-1er dim. Carême/C ( Dt 26,4-10; Ps 90; Rm 10,8-13; Lc 1-13)

Il est un proverbe de nos aïeux qui dit compare un hôte à de la viande de gibier, traditionnellement perçue comme une viande très précieuse. Il faut en prendre sérieusement soin. C’est dans cette optique que je voudrais vous saluer très amicalement, vous tous qui participez habituellement à l’Eucharistie dominicale ici au Grand Séminaire Saint-Gall de Ouidah.

Dans la même perspective, je fais un clin d’œil fraternel et chaleureux aux amis de notre Grand Séminaire, qui non seulement nous soutiennent depuis un certain nombre d’années, mais encore ont fait le déplacement pour nous rendre visite en ce jour. Ils ont créé un forum qu’ils ont affectueusement appelé Séminaire Saint-Gall Ouidah.

Chers amis, veuillez bien vous lever pour que tous vous voient et rendent gloire au Seigneur. Le Seigneur vous revaudra le bien que vous accomplissez en son Eglise. Merci d’être parmi nous pour vivre cette Eucharistie.

« Si tu es fils de Dieu ». Voilà l’expression sur laquelle je voudrais concentrer ma méditation ce matin. Cette expression est en fait une sorte de leitmotiv qui caractérise la stratégie mise sur pied par le diable, le tentateur pour faire fléchir, faire succomber Jésus.

En effet, des trois tentations que relate le narrateur dans l’évangile que nous venons d’entendre, deux (la première et la troisième) commencent par cette expression : « si tu es fils de Dieu… » : « Si tu es fils de Dieu, ordonne à cette pierre de devenir du pain » ; « si tu es fils de Dieu, du sommet du temple, jette-toi en bas ».

Il faut remarquer qu’une telle stratégie joue sur l’orgueil humain. On ne peut pas ne pas penser ici à l’époque où entre enfants on se défiait à travers une stratégie similaire. L’un disait par exemple à l’autre : « si tu es garçon, fils de ton père, fils de ton père, répète ce que tu viens de dire ». Vous imaginez, cela aboutit presque toujours à la bagarre. Mais le plus intéressant est qu’un quart d’heure plus tard, les mêmes enfants qui se sont bagarrés se retrouvent ensemble pour s’amuser. Puissions-nous leur ressembler selon la volonté du Seigneur.

Malheureusement dans le monde des adultes, ce type de provocation, nous le savons, peut aboutir à des situations dramatiques et difficiles à gérer.

Ce que j’ai voulu souligner à travers cette plongée dans mes souvenirs d’enfance, est que tout homme possède en lui une petite étincelle de fierté, d’orgueil qui fait qu’habituellement il tient à relever ce genre de défi. Le diable s’en sert ici pour faire succomber Jésus à ses tentations.

Il faut remarquer qu’en fait le tentateur utilise l’expression « si tu es fils de Dieu » dans le but d’éloigner subtilement Jésus de la volonté de Dieu. Certes Jésus, plus tard dans sa vie publique, opérera le miracle de la multiplication des pains au profit des foules venues l’écouter, se nourrir de sa Parole, la Parole de Dieu le Père, la Parole de Vie. Mais il faut remarquer que dans ce contexte, c’est après s’être rassasiés de la Parole de la vie éternelle, que les foules ont eu physiquement faim et se sont ensuite rassasiés du pain multiplié par Jésus, pour avoir la force de mettre en pratique la Parole écoutée. Chercher à calmer la faim de la chair ne doit pas nous faire perdre de vue l’urgence de calmer notre faim de Dieu, notre faim de la vie éternelle.

En revanche dans le contexte des tentations, le diable incitait Jésus à opérer le miracle du pain, plutôt pour une double raison opposée au plan de Dieu : démontrer de façon spectaculaire sa puissance de Fils de Dieu au profit de lui-même. La réponse de Jésus : « l’homme ne vit pas seulement de pain » laisse entendre qu’au-delà du pain quotidien, la vie de l’homme est nourrie, soutenue par quelque chose d’autre de plus précieux. Et c’est heureux que Saint Mathieu, dans son évangile, complète la phrase : « l’homme ne vit pas seulement de pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Mt 4,4). Par l’expression « si tu es fils de Dieu » le Diable voulait en fait, éloigner subtilement Jésus de la volonté du Seigneur.

Le même scénario s’observe dans la troisième tentation. Le tentateur dit ceci : « si tu es fils de Dieu, du sommet du temple, jette-toi en bas, car il est écrit : il donnera pour toi, à ses anges l’ordre de te garder ; et encore : il te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre. »

En réalité le diable, fait une interprétation tendancieuse du psaume 90 ; car selon le contexte de ce psaume, la protection des anges est garantie à « celui qui demeure sous l’abri du très Haut et loge à l’ombre du Puissant ». C’est à celui qui se soumet au Seigneur Dieu, qui fait sa volonté, que la protection est garantie. Se jeter en bas du sommet du temple est une pure célébration de soi qui ne ressemble en rien au dessein de Dieu.

Dans la deuxième tentation le tentateur soutient que tous les royaumes de la terre lui appartiennent – ce qui est un mensonge de grande envergure – et qu’il donnerait tout ce pouvoir à Jésus, s’il se prosternait devant lui. Outrecuidance ! Le diable ose demander à celui par qui tout fut créé, de se prosterner devant lui pour recevoir en récompense ses propres créatures. Ici également la stratégie reste la même : Eloigner Jésus de la volonté de Dieu le Père.

Cette stratégie est malheureusement encore actuelle. La grande tentation du monde de notre temps, c’est d’écarter Dieu, de le mettre entre parenthèse, de l’éliminer de notre existence, de le tuer pour que l’homme puisse enfin régner, assouvir ses désirs mondains, jouir enfin de sa liberté qui en fait n’en est pas.

Et pour atteindre cette fin, le tentateur exhibe devant nous ici-bas l’avoir, le pouvoir, la soif du merveilleux. L’avoir symbolisé dans notre récit par le pain, le pouvoir par les royaumes de la terre, et la soif du merveilleux par la tentation de se jeter du sommet du temple.

Ce temps de carême est l’occasion plus que jamais privilégiée pour que chacun fasse une halte pour examiner sa vie et voir de quelles tentations il est assailli, quelle tendance l’éloigne de Dieu : les biens matériels, le pouvoir ou l’autorité mal exercés, l’exaltation de soi, le vice sous toutes ses formes, le syncrétisme : chrétien le jour, païen la nuit, prêtre de Jésus Christ le jour, prêtre du Vodun la nuit, séminariste exemplaire le jour, séminariste au profil éloigné du Christ la nuit. Le moyen privilégié pour vaincre tout cela, c’est d’imiter l’attitude de Jésus dans l’évangile de ce jour en adoptant comme unique boussole la volonté de Dieu.

Jésus l’a fait dans le récit des tentations en s’appuyant chaque fois sur les Saintes Ecritures : « L’homme ne vit pas seulement de pain » ; c’est devant le Seigneur ton Dieu que tu te prosterneras, à lui seul tu rendras un culte » ; « tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu ». C’est dire que nous ne pourrons résister aux diverses sollicitations de notre temps, aux attraits immondes de notre époque, sans un enracinement sérieux sur la Parole du Seigneur.

Qu’il nous vienne en aide par sa grâce pour que nous laissions sa Parole embraser notre vie, de sorte que triomphants de toutes les tentations et tempêtes de notre vie, nous puissions chanter comme le psalmiste : « Ta parole est la lumière de mes pas, la lampe de ma route ». Amen

Père Raymond SOBAKIN,

Recteur du Grand Séminaire Saint-Gall de Ouidah

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